A la découverte du Brésil

Altermondialisme

La généralisation comme problème:

La question de la violence n'est certes pas nouvelle au Brésil. Mais sa montée en force, les formes étonnantes qu'elle prend en ce début de décennie, semblent plus en rupture qu'en continuité avec un passé récent. Elle devient, au sens propre, un mode de régulation des interactions humaines et cela est nouveau. A Touraine, il n'y a pas longtemps, avait parlé d'un clivage, central selon lui pour l'ensemble du continent latino-américain, entre le monde de la parole, le monde de la modernité, et le monde du sang, celui des laissés-pour-compte. Aujourd'hui il n'y a plus de monde de la parole.

Le monde des in était un monde régulé, soumis à des normes. Des dérégulations partielles, bien sûr, ont toujours existé. Mais aujourd'hui, il n'y a plus de règles.

En vrac, quelques indications. La première dérégulation, et la plus importante sans doute, est celle qui renvoie au brouillage, à une échelle jamais vue auparavant, des frontières entre le public et le privé. Autrefois on dénonçait la corruption pratiquée à de hauts échelons de l'administration publique, comme une transgression. Aujourd'hui la corruption s'exerce verticalement à tous les échelons de l'administration, depuis les plus hauts, jusqu'aux plus bas et les plus démunis de ressources.

Autrefois on essayait d'imposer des limites au trafic et à la consommation des drogues. Aujourd'hui le trafic de drogues dures se fait de plus en plus ouvertement sur des lieux publics. Dans le courant de l'année 1991, des dispositions ont dû être prises pour empêcher la libre circulation des trafiquants dans l'enceinte du Congrès national et, à l'université de Sao Paulo, les lieux du rectorat ont fait l'objet de restrictions analogues.

Il n'y a pas longtemps, la police devait faire face à des enlèvements de banquiers et grands patrons, pratiqués par des professionnels du crime. Aujourd'hui, de plus en plus souvent, des amateurs s'y mettent, sans aucun souci du choix de la victime. N'importe qui peut se faire enlever, contre des sommes dérisoires et on a même introduit une formule nouvelle : la menace d'enlèvement, où l'enlèvement même est suspendu au cas où la rançon serait préalablement payée.

La contrepartie : une prolifération des sociétés de vigiles, chargées de la sécurité privé et la généralisation du port d'armes. Quelques faits divers, au cours du second semestre 1991 : un couple réagit à un supposé hold-up dans le centre-ville de Sao Paulo, en tuant d'une balle dans la tête le jeune qui les avait approchés ; un retraité, dans un quartier populaire de Sao Paulo, tue d'une balle dans la tête un graffiteur de 14 ans et se suicide après ; un client tue, dans le parking d'un supermarché, un jeune cycliste ayant collé involontairement à sa voiture.

L'accroissement du rythme des lynchages est spectaculaire. Pour le seul État de Bahia on signale 70 épisodes au cours du premier semestre 1991. Ces événements pourtant ne peuvent pas être interprétés comme l'expression d'une violence de source populaire. Certains chercheurs proposent de distinguer le lynchage anomique, suscité à partir de certains incidents et pas toujours achevé ; et le lynchage communautaire, qui correspond à une action collective plus ou moins délibéré. Dans les deux cas, des personnes de toutes origines sociales peuvent être impliquées.

En 1982, un procureur de la République a tué en plein centre-ville de Sao Paulo, en le foulant sous ses pieds devant le regard des passants, un gamin des rues qui avait arraché à une dame une petite chaîne en or. En 1990, le lynchage de Matupa, petit village du Mato Grosso, filmé en vidéo par un cinéaste amateur, est devenu célèbre par ses images, diffusées dans le monde entier. Deux conseillers municipaux, un commerçant et sept policiers sont accusés de participation à cet événement. La violence de la police est ancienne ; mais elle apparaissait jusqu'ici soit comme l'expression d'un État autoritaire, soit comme débordement. Aujourd'hui il n'y a plus de digues, parce qu'il n'y a plus d'État. Encore un fait divers pour l'illustrer : en 1991, un incendie d'origine criminelle a fait vingt victimes parmi les prisonniers de la Maison d'arrêt Ary Franco à Rio de Janeiro. L'enquête a rapidement établi la responsabilité directe d'un chef maton, ayant voulu se venger d'un détenu.

A défaut d'État, comme dans une sorte de succédané spasmodique, la société civile et ses juristes s'engagent dans un débat sur l'instauration de la peine de mort et l'imputabilité du mineur dès l'âge de douze ans.

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